Ouverture à Berlin d'une exposition controversée
Ouverture à Berlin d'une exposition controversée sur la Fraction Armée Rouge
Une exposition controversée sur le groupe terroriste d'extrême gauche allemand des années 70-80, la Fraction Armée Rouge
(RAF), a ouvert ses portes samedi dans la galerie berlinoise Kunst-Werke, connaissant aussitôt une forte affluence.
Cette exposition, qui doit durer jusqu'au 16 mai, ne veut pas être une exposition sur l'histoire de la RAF, mais une réflexion
critique sur l'influence de la RAF dans l'art et la culture.
Initialement prévue pour être présentée il y a un peu plus d'un an, elle avait été reportée à la suite d'une vive controverse en
Allemagne autour d'une aide de 100.000 euros promise par le Fonds pour la Culture à Berlin, financé par l'Etat fédéral allemand.
Les parents des victimes voyaient en elle une réhabilitation du groupe terroriste.
Celui-là même qui défendait la RAF en qualité d'avocat dans les années 70, le ministre social-démocrate de l'Intérieur Otto
Schily avait émis de "profonds doutes" quant à la légitimité de la subvention. La galerie Kunst-Werke avait alors renoncé à cette
subvention et avait aussi accepté de modifier son projet qui devait au départ s'intituler "Mythe RAF".
Finalement, les organisateurs étaient parvenus à recueillir environ 250.000 euros pour son financement en organisant une vente
aux enchères sur internet d'objets d'art, mis à la disposition de la galerie par des artistes de renom.
Parmi les organisateurs, Felix Ensslin, fils d'une des fondatrices de la RAF, Gudrun Ensslin, qui s'était suicidée en prison à
Stuttgart en 1977. L'homme politique libéral Gerhart Baum, ministre de l'Intérieur de 1978 à 1982, parraine le projet.
Elément central de l'exposition, des photos de personnes mortes entre 1967 et 1999 dans la guerre à laquelle s'était livrée la
RAF contre l'Etat allemand: victimes comme bourreaux. Pour seule légende: leur nom et la date de leur décès. Au moins 30
personnes ont trouvé la mort en Allemagne fédérale dans des attentats perpétrés par la RAF entre 1971 et 1993.
Cette série de photos commence par celle de Benno Ohnesorg, cet étudiant tué par un policier allemand à Berlin-Ouest, en
1967, alors qu'il protestait contre une visite du Chah d'Iran. Sa mort a eu pour conséquence une radicalisation du mouvement de
protestation de la jeunesse, surtout estudiantine, contre les institutions étatiques, les plus marginaux des contestataires
basculant dans la clandestinité au sein de la RAF.
Ultérieurement, Hanns-Martin Schleyer, le "patron des patrons" allemands, a été enlevé et assassiné en 1977. La série s'achève
avec Horst Ludwig Meyer, ancien membre de la RAF, tué au cours d'une fusillade avec la police viennoise en 1999.
Outre ces tirages, des collages, des installations et des oeuvres d'art, notamment d'artistes allemands comme Joseph Beuys,
Gerhard Richter, Joerg Immendorff.
Fondée en 1970 par Andreas Baader et Ulrike Meinhof, la RAF a séduit, surtout à ses débuts, tout un pan du monde
intellectuel, artistique et politique. Ainsi, les écrivains français Jean-Paul Sartre et allemand Heinrich Boell n'hésitèrent pas à
aller rendre visite à des terroristes en prison.
Coupé de tout soutien populaire à commencer au sein du monde ouvrier qu'il était censé libérer de l'exploitation capitaliste,
discrédité par la radicalisation de ses attentats, le groupe a suspendu ses activités en 1992 avant de s'autodissoudre en 1998.
Pourtant, maître dans l'art du spectaculaire, la RAF n'a jamais cessé de fasciner, comme le montre ces dernières années la
vogue dans la jeunesse des t-shirts portant le symbole de la RAF.
